Cet article est reproduit du site Cairn.info sciences humaines & sociale
Estimant quel'écrit est clair et objectif, j'ai choisi de ne pas le modifier.
mes souvenir des discussion chez mes parents nentrent pas en contradiction, d'autant plus que ma mémoire sur le sujzt reste non-rigoureuse ! j'étais trop jeune et trop insouciant pour être un témoins valable, même en second rang.
Aussi je suis ouvert aux apports eventuel.
De plus, les jugement inconscients, reflte la manière de s'exprimer de l'époque, En particulier le terme "Fasciste" est à prendre avec son accertion des acteurs de l'époque,
en effet, traiter le Franquisme de fascime, s'il le mérite pour ses lienq avec Hitler & Mussolini durant le confic, n'a pas la même radicalité que le nazisme ou le communisme.
Une raison de cette distinction (voir excuse) est son coté catholique, donc avec une part de Charité (même faible=, et son ignorance des but initiatique d'une certaine Franc-Maçonnerie (qui n'était pas prépondérante en Espagne à cet époque).
Pour juger, on prend les réalités partisanes de l'époque. Mais pour en tirez enseignement, on considère qu'il s'agit désormais d'une page d'histoire, tournée!
Article
Cet article se concentre sur les dix premiers mois du conflit, donc entre juillet 1936 et les célèbres « Jours de mai ’37 » qui marquaient la fin de la grande époque des libertaires espagnols, dont le militant José Peirats mérite le titre d’historien officiel. Quant aux apports nouveaux, il s’agit pour la plupart de rapports présentés dans la presse française, surtout la presse de Toulouse, poste d’observation par excellence des événements au-delà de la frontière. D’autres informations proviennent de la Collection Berneri, pour ainsi dire. Elle consiste d’un recueil non classé de lettres, notes, affiches, tracts, pamphlets, feuillets, brochures et journaux, comprimés dans des vieilles valises par Giovanna Berneri, veuve du célèbre anarchiste et professeur en philosophie à l’université de Florence, qui fut assassiné à Barcelone (soit par les agents de Staline, soit par ceux de Mussolini) en mai 1937. Après la mort de la veuve en 1964, la collection fut confiée à Aurelio Chessa, militant de la Federazione Anarchica Italiana, qui à Gênes en juillet 1965 accorda à l’auteur carte blanche pour examiner le contenu de ces valises.
Jamais, nulle part ailleurs dans le monde, un conflit n’a attiré la totalité des nuances de la gamme idéologique, en passant du fascisme à l’anarchisme. Pour cette raison seule, la guerre d’Espagne reste unique.
La Seconde République espagnole avait été proclamée le 14 avril 1931, lorsque d’impressionnantes victoires républicaines aux élections municipales eurent conduit le roi Alfonso XIII à « suspendre de [son] plein gré l’exercice de [ses] prérogatives royales jusqu’à ce que la nation ait parlé ». Pendant les quatre ans et demi suivants, sous la présidence de Niceto Alcalá Zamora, la République connut deux gouvernements, le premier progressiste, le second réactionnaire. Dans le premier, le gouvernement sous Manuel Azaña avait tenté de promouvoir quatre grandes réformes : réforme militaire, réforme agraire, séparation de l’Église et de l’État, et statut autonome de la Catalogne. Elles furent rapidement abrogées par le gouvernement réactionnaire de 1933 (le « Bienio Negro »). Le 31 décembre 1935, les Cortes furent dissoutes à nouveau. Lors des élections suivantes, le 16 février 1936, le Frente Popular, formé seulement trois jours avant, remporta un retentissant triomphe, et Azaña prit la place du président de la République.
À la suite de ce retour d’un gouvernement de gauche, se livrait une bataille furieuse entre les deux ailes du panorama politique de l’Espagne, bataille qui mettait en jeu la Constitution même. La lutte était devenue une lutte pour ou contre le régime républicain. Ceux qui défendaient la République représentaient une très large gamme idéologique. À gauche de la Gauche républicaine, parti de Manuel Azaña, il y avait les socialistes et, à leur gauche, et six fois moins forts, les communistes (Partido Comunista de España, PCE). Plus à gauche encore, sans représentation dans les Cortes, se trouvait un tout petit groupe de trotskystes. Encore plus à gauche se trouvait un parti nommé Partido Obrero de Unificación Marxista (POUM). Bien qu’il s’agisse d’un parti marxiste antistalinien et adhérant en principe à la Quatrième Internationale de Léon Trotsky, et bien que ce soit chose courante de l’appeler trotskyste, ce parti se déclarait indépendant de la doctrine trotskyste, et pour cause. Les différences entre ces deux partis deviennent, à l’étude, très claires. Pour Trotsky et la IVe Internationale, le POUM était trop « anarchiste », dans son hésitation à instaurer une dictature politique, et trop « naïf » et « crétin » dans son désir de coopérer – comme les leaders anarchistes d’ailleurs – avec les partis bourgeois. L’organe parisien de Trotsky, La Commune, allait dénoncer le POUM, le 8 janvier 1937, pour sa faiblesse et, encore pire, pour avoir « voulu faire bonne mine au stalinisme contrerévolutionnaire, sans se délimiter, pour obtenir des armes de ce stalinisme ». En fait, le POUM ne demanda jamais d’armes à Staline.
Pour le POUM, par contre, comme pour les anarchistes, le vrai « naïf », le vrai « crétin », était celui qui croyait qu’on pouvait centraliser le pouvoir dans un Trotsky sans nécessairement créer un nouveau Staline. On a donc tort d’appeler ce parti même semi-trotskiste, au moins après la rupture en 1934 entre Trotsky et Andrés Nin, chef du POUM, car le POUM était un parti qui rejetait les directives tant de la Quatrième Internationale que de la Troisième .
Entre-temps, il existait certes une distance idéologique entre le POUM et les anarchistes, avec leur syndicat (la CNT, Confederación Nacional del Trabajo), et leur société d’idéologie (la FAI, Federación Anarquista Ibérica) qui se chargeait de garder la pureté du mouvement. Ce mouvement, bakouniste et adhérant à la Première Internationale, faisait partie de l’AIT (Association Internationale des Travailleurs) . Ce mouvement en Espagne constituait de loin le plus puissant de tous les syndicats. Si les anarchistes à Madrid étaient peu nombreux (tout comme les communistes d’ailleurs), à Barcelone ils se trouvèrent très vite propulsés au pouvoir.
À la différence du POUM, la CNT et la FAI se tinrent à l’écart du Front populaire. Dans les élections de 1936, cependant, elles donnèrent entière liberté de vote à leurs adhérents, en s’abstenant de lancer leur habituel mot d’ordre : « No Votad ». La décision de la CNT-FAI de laisser leurs adhérents libres d’aller voter est d’une importance suprême ; l’unique fois où cette autorisation leur avait été donnée, en avril 1931, cela avait largement contribué à la chute de la monarchie, et la même motivation était présente dans les deux cas : seule la victoire dans les urnes pouvait libérer leurs confrères détenus dans les prisons. L’engagement des anarchistes était désormais en Catalogne la force décisive. Mais alors que le POUM accepterait un gouvernement si celui-ci était à son gré, c’est-à-dire, un gouvernement du prolétariat en accord avec ses doctrines, les anarchistes s’y refusaient, car tout gouvernement, quel qu’il soit, exercerait le pouvoir sur les autres et inéluctablement il s’ingérerait dans le droit naturel de l’Homme.
À la suite de l’échec de l’insurrection nationaliste en Catalogne et en Levante, l’hégémonie passa donc aux mains des anarchistes, surtout à Barcelone, qui est le seul exemple d’une grande ville qui ait été aux prises d’un tel contrôle. Le mouvement anarchiste, bien organisé, réussit à donner au peuple une conscience révolutionnaire. Même un chef de droite fit un témoignage en leur faveur. Alvaro de Figueroa y Torres, comte de Romanones, avait rempli, sous la monarchie, et pendant la Première Guerre mondiale, les fonctions de Président du Conseil. En juillet 1936 il déclara à un journaliste français que les gens de la FAI étaient les hommes les plus intelligents d’Espagne. « Ce sont, ajouta-t-il, les seuls ici qui pensent internationalement . » Leurs rangs augmentèrent rapidement : avant l’insurrection, les abonnés n’étaient qu’au nombre d’environ 30 000 ; à la fin de l’année 1937, il y en avait 154 000 . Leur organe principal (à part Solidaridad Obrera, que la FAI partageait avec la CNT), était Tierra y Libertad : petite feuille de chou hebdomadaire, d’abord, qui devint un quotidien avant le mois d’août. La CNT publiait aussi dans la capitale CNT, un journal qui avait réquisitionné en avril l’ancien palais du marquis de Monistrol, calle de la Luna . À Barcelone, la CNT-FAI éditait aussi un bulletin d’information, Informa-Bulteno, entièrement en espéranto , de tendance modérée. Quant aux émissions de radio, la FAI en lançait en cinq langues .
Malheureusement pour la cause républicaine, la CNT-FAI se dressa, à la fois, contre le gouvernement national et le gouvernement catalan (les deux trop bourgeois), contre la Garde civile (qui voulait enlever leurs armes) et contre toutes les autres organisations ouvrières. Ensuite, on voyait que leur méthode de combat était bien adaptée aux combats de rue. Cependant, quand ils firent leurs expéditions à Saragosse et à Majorque, et alors que la guérilla se transformait progressivement en guerre stratégique, il devint de plus en plus évident que l’emphase chez les anarchistes sur l’action individuelle, la « propagande du fait », serait ruineuse à la cause républicaine. Dans les trois semaines qui suivirent le début des hostilités, même Le Midi Socialiste avouait que les dirigeants de la FAI n’étaient pas maîtres de leurs hommes, ni au front ni à l’arrière . Un groupe de 150 miliciens des troupes parties sur Saragosse avait déjà été désarmé et renvoyé à Barcelone, déclaré indigne de servir la cause révolutionnaire .
Que la CNT-FAI ferait son possible pour s’emparer du pouvoir était une évidence à La Dépêche. Les anarchistes, qui s’étaient toujours défendus jusqu’ici de s’immiscer dans la politique, se retrouvaient maintenant, surtout en Catalogne, les chefs véritables, centralisant entre leurs mains le pouvoir exécutif et la force armée. Il était tout naturel qu’ils voulussent profiter de ces circonstances si favorables ; il ne s’agissait donc plus de réclamer l’application de leurs théories ; ils étaient à même de les mettre directement en œuvre. Or, même pour exécuter un programme anarchiste, il faut de la discipline. Selon La Dépêche, la discipline existait bel et bien et elle était étayée par un véritable mysticisme associé depuis longtemps aux anarchistes de la FAI, mais qui existait au même titre chez les syndicalistes de la CNT et les socialistes . Comme exemple de cette discipline et de ce mysticisme, on lisait aussi dans ce même numéro qu’au plus fort d’une certaine émeute en Catalogne, on n’avait permis aucun pillage : on avait même laissé brûler sciemment dans les couvents des centaines de milliers de pesetas en espèce avec une sorte de ferveur religieuse : c’était de l’argent maudit . Jean-Maurice Herrmann affirmait : « Rien n’a été pillé – que les armureries . » Des témoins oculaires indiquèrent à La Dépêche que si à Barcelone des destructions d’églises et de couvents s’étaient produites, elles avaient été provoquées à l’origine par l’attitude des membres du clergé qui avaient ouvert le feu sur les troupes gouvernementales, notamment depuis un monastère jésuite. La cathédrale, ajouta La Dépêche, était par contre constamment protégée par la Generalitat de Barcelone, qui faisait ce qu’elle pouvait pour sauvegarder ce qui restait des chefs-d’œuvre. À ce dessein, le conseiller de la culture de la Generalitat, le poète Bonaventura Gassol i Rovira, s’était rendu au monastère de Montserrat, puis à Poblet, ensuite à Ampurias .
L’insurrection des militaires avait éclaté deux semaines avant l’ouverture de l’Olympiade de Berlin. Par ironie du sort, on avait prévu à Barcelone une contre-Olympiade, qui devait débuter le 19 juillet 1936, et à laquelle étaient invitées toutes les associations de sport de par le monde qui refusaient d’envoyer leurs équipes au grand spectacle hitlérien. Gérard, chef de la délégation bordelaise à cette Olympiade populaire de Barcelone , était parmi ceux qui se trouvaient en Catalogne. De retour en France, Gérard dénonçait à La Dépêche la « foule d’erreurs publiées dans certains journaux français : “les vols dans les églises, des officiers passés par les armes et des ecclésiastiques torturés par des énergumènes en état d’ivresse.” Tout cela est faux. Nous n’avons rien vu de semblable dans Barcelone ». « L’anarchie à Barcelone ? Tout cela est faux, archifaux », répéta en septembre François Andrieu, dans le même journal. Lui aussi sur les lieux, il n’y avait trouvé nulle contrainte, nul stigmate de guerre civile. « De terreur, point… Quelle différence avec la parade à Tétouan et Algésiras ! » Andrieu conclut qu’à Barcelone régnait « le calme total, la sécurité de la rue ».
Les exposés de Herrmann, Gérard et Andrieu, même s’ils étaient publiés dans La Dépêche, qui figurait à l’époque parmi les plus illustres journaux du monde , sont certes discutables, sinon nettement faux. Burnett Bolloten, qui venait d’arriver à Barcelone en simple touriste et qui se trouva peu après engagé comme correspondant de l’United Press, témoigne d’avoir vu brûler « des dizaines d’églises », et compare les déclarations de ces trois journalistes avec celles de Hewlett Johnson, doyen « rouge » de Canterbury, qui assurait à Bolloten dans une interview qu’il n’avait jamais vu brûler une seule église, dans aucun de ses voyages en Catalogne . Pourtant, de l’autre côté, on publiait une tout autre histoire. Bolloten, devenu plus tard historien de marque, cite Diego Abad de Santillán : « Nous ne désirons pas nier que le 19 juillet apporta un débordement de passions et d’abus, phénomène naturel du transfert du pouvoir des mains des classes de privilège à celles du peuple. C’est bien possible que notre victoire eût pour conséquence la mort violente de quatre ou cinq mille habitants de la Catalogne qui étaient classifiés de sympathisants avec la droite et qui étaient liés à la réaction politique ou ecclésiastique . » Juan Casanovas, interviewé par Armand Salvan, aussi de La Dépêche, fit en quelque sorte l’apologie de la violence, en disant : « La violence… a augmenté notre autonomie. Et c’est précisément l’autonomie de la Catalogne qui a permis de vaincre si rapidement les fascistes . » Un leader communiste catalan, Hilario Arlandis, reconnaissait lui-même, devant Jean Pujade de La République, la « destruction systématique » des églises : il regrettait profondément ces « scènes stupides de pillage »… « Destruction systématique, volontaire, froidement raisonnée » : c’était ainsi qu’un autre envoyé de La Dépêche, Jean Vidal, décrit celle de la simple croix de bois de Figueras, qui restait comme symbole, « soulignant, mieux que rien, l’état d’esprit du peuple catalan », à tout voyageur qui entrait en Catalogne sur cette route . La Dépêche publiait ensuite une photo des meubles et objets de culte enlevés dans les églises qui étaient entassés et livrés aux flammes, sur la place publique à la Séo de Urgel . À Gérone, au palais épiscopal, on avait trouvé la somme de 2 millions de pesetas en valeur ou en métal , et à Vich, à 60 km au nord de Barcelone, dans la cathédrale et les églises, la somme de 16 millions de pesetas . À la grande surprise de La Dépêche, le comité de la CNT-FAI fit parvenir au gouvernement de la Generalitat l’intégralité de cette somme de 16 millions de pesetas recueillis à Vich . « Cet exemple de complet désintéressement, fit remarquer Jean Vidal dans La Dépêche, conscient sans doute de ses propres accusations antérieures, a été commenté partout avec d’autant plus de satisfaction qu’on avait souvent essayé, dans le passé, d’assimiler les anarchistes aux pires malfaiteurs publics . » Une autre photo, publiée dans Le Matin et reproduite dans La Dépêche et L’Express du Midi, montrait une bande de miliciens en train de fusiller une statue du Christ à Madrid . Au sujet de la terreur, L’Express assurait à ses lecteurs en décembre 1936 qu’une guillotine avait été dressée à Barcelone près de la statue de Colomb, une autre au Paseo de Gracia . Il semble que L’Express a emprunté cette histoire à Léon Daudet de L’Action Française. De toute façon, Solidaridad Obrera pensait que c’était « un immense succès de rigolade auprès de la foule qui circule jour et nuit autour de cette statue sans avoir rien remarqué de semblable ». La Soli, en effet, ne put pas ne pas profiter de ce reportage dans la presse de droite. « Nous nous excusons, écrivait-elle, de ne pas publier également un croquis de la guillotine du Paseo de Gracia ; étant donné le nombre des têtes coupées qui sont entassées aux alentours, notre dessinateur aurait dû faire plus d’un kilomètre en piétinant des crânes, avant de pouvoir s’approcher à bonne distance . »
Ensuite, Armand Salvan rapportait dans La Dépêche, à juste titre, semble-t-il, les débats du tribunal populaire qui se réunissait à bord de l’Uruguay, dans le port de Barcelone. On y voyait le prélude de ce que devait être la justice rendue par le nouveau ministre anarchiste, Juan García Oliver. De métier garçon de café, il se prouva une combinaison admirable d’homme d’action et visionnaire. José Martín Blázquez, officier de métier dans le ministère de la Guerre, s’exprimait ainsi : « Oliver était indéfatigable. Il se chargeait personnellement de tout. Il entrait dans les plus petits détails. Il s’intéressait même aux horaires des élèves, à la direction de la cuisine. Mais surtout il insistait sur le fait que les nouveaux officiers respectent la plus stricte discipline . » Cela signifie-t-il emprunter à quelque révolution antérieure ? Le 10 août 1936, au théâtre Olimpia de Barcelone, García Oliver tenait à préciser qu’il voulait une révolution comme nulle autre. « Sommes-nous embarqués dans une expérience au style bolchévique. Non, nous n’avons aucune raison pour que l’Espagne singe le modèle russe. Nous avons le nécessaire pour établir les organes vitaux pour la défense du peuple . » Quant à son idée de la justice, elle se fit vite évidente lors d’un affrontement avec le capitaine Alberto Bayo. Celui-ci préconisait la discipline à la main de fer. Devant un comité de guerre à Barcelone, présidé par Oliver, Bayo déclare qu’il tuerait le premier homme à transgresser les règles. Oliver lui répond :
Tu vas te débarrasser bien sûr de ces idées-là. Ce sont les idées de l’ancienne société. Dans notre régime, on ne tue pas un camarade malheureux. On le corrige, on ne le prive pas de sa vie… Tu vas te libérer bien vite de ces idées criminelles, parce que si tu commettais un tel crime, je ferais tomber ta tête à l’instant même…
Oublie de telles mesures de contrainte et de punition ! Si un camarade s’écarte du droit chemin, on le corrige avec affection, on lui fait comprendre son erreur, mais jamais, au grand jamais, on ne le prive de sa vie. Le travailleur est entré dans un temps où, au lieu d’être esclave, il est seigneur et maître de lui-même. On ne peut plus le traiter comme dans le passé. Vous, les officiers de l’armée, vous feriez mieux de le comprendre !
Maintes et maintes fois, García Oliver s’exprima dans ces termes distingués, nobles. « C’est une nouvelle aurore de la justice qui perce, qui éclate sur le peuple d’Espagne. Toujours, la justice est restée une aspiration non accomplie. Oui, on parlait de la justice comme le soleil qui lustre le monde de façon égale. C’était la définition classique. Et pourtant ! Pour les misérables, pour ceux qui n’ont rien, quelle éclipse totale ! » García Oliver ajouta, le 31 janvier 1937 : « Avouons ici en Espagne que le criminel commun n’est pas un ennemi de la société. Il est plus probablement la victime de la société… La justice, je le crois fermement, est quelque chose de si subtil que, pour l’interpréter, il faut surtout avoir un cœur . » On écrivait dans La Dépêche : « Ses décisions, ses verdicts, échappent à l’arbitraire. Sa justice n’est point une parodie. Les accusés qui ont à en connaître sont entourés des mêmes garanties que les cours d’assises accordent aux nôtres. Là encore, nous sommes à cent lieues de la “justice fasciste” . »
Le 4 septembre, à Madrid, le gouvernement de José Giral y Pereira, modéré, fut remplacé par celui de Francisco Largo Caballero, socialiste. Pour Clara Candiani de La Dépêche, le changement n’apporta aucune amélioration pour la République. Au contraire, pour elle, qui était sur les lieux, le gouvernement de Madrid continuait de représenter l’apothéose de l’indiscipline : l’anarchie étouffait tout. Le président Azaña était moralement enfermé dans son palais, alors que Largo Caballero n’était ni écouté ni suivi par les foules de gauche . Elle ajoutait que le parti communiste ne constituait encore qu’une infime minorité.
On avait changé de gouvernement, mais les problèmes, eux, restaient les mêmes. Le plus urgent était l’absence d’un front uni. Dans La Dépêche, Rieu-Vernet observait lors de l’inauguration de Largo Caballero, un point sensible, « et peut-être, point douloureux pour demain : unis pour la lutte, mais adversaires pour réaliser ». Tout le monde paraissait d’accord, et cependant l’accord ne se fit pas. Le foyer de ce désaccord était la prétendue participation au pouvoir des anarchistes, qui avaient toujours refusé, jusqu’ici, de s’y joindre. Quand Andrieu, de La Dépêche, demanda au mois d’août 1936 au président Azaña comment étaient les relations entre les républicains et la CNT-FAI, celui-ci lui répondit « excellentes ». Sa réponse était-elle influencée par le conflit entre les anarchistes et le socialiste Largo Caballero, pour qui Azaña avait toujours éprouvé une aversion, pleinement réciproque ? En même temps, la lutte entre les anarchistes et les nationalistes basques, fidèles à la République, était fort pénible pour la cause gouvernementale.
La lutte intérieure continuait sans répit, avec une violence non diminuée. Largo Caballero se trouvait en difficultés avec presque tous les partis qui formaient le Frente Popular. Les relations les plus difficiles pour le Premier ministre, à la longue, étaient celles avec les communistes. À première vue, il n’y avait aucune raison pour cela. Le « Lénine espagnol » était le chef reconnu des masses ouvrières. Il avait, depuis 1933, prêché la révolution. Mais c’était la politique staliniste, et non léniniste, qui émanait désormais de Moscou. Au lieu de la « révolution partout » c’était la « révolution consolidée ». À cet égard, Largo Caballero se trouvait plus près du parti trotskyste que celui des staliniens, qui reniaient dorénavant toute leur doctrine de guerre des classes. Dans L’Humanité, Vaillant-Couturier avait déjà décrit le gouvernement précédent (Giral) comme « ni marxiste, ni soviétique, mais républicain ». José Díaz, chef du parti communiste espagnol, dans une interview donnée au correspondant du Populaire, socialiste, affirma qu’une « parfaite communauté de vues » existait entre le PCE et le syndicat socialiste UGT .
Ce que le reste du Frente Popular trouvait à redire chez les communistes, c’était l’intolérance de ceux-ci envers la minorité trotskyste et le POUM. La doctrine du POUM lui interdisait de collaborer avec un cabinet qui ne fût pas formé uniquement d’éléments prolétariens. Par conséquent, il fit savoir, au début d’août 1936, qu’il refusait de participer au nouveau ministère catalan. Il déclara toutefois qu’il considérait le nouveau cabinet comme un progrès, puisqu’il était le Frente Popular, et qu’il lui apporterait son appui, bien qu’il émette des réserves sur l’efficacité révolutionnaire de ce cabinet . Le POUM restait donc au premier plan de l’agitation révolutionnaire, en réclamant la semaine de 36 heures et la hausse générale des salaires. Ainsi, lorsque la CNT entra le 26 septembre 1936 dans la Generalitat, le POUM suivit : son chef Andrés Nin devint ministre de la Justice, mais pour une courte durée seulement. Le 16 décembre 1936, Nin quittait la Generalitat, la suite des pressions communistes ; l’ordre fut donné par Vladimir Antonov-Ovseenko, le consul-général soviétique a Barcelone.
Il était évident pour les anarchistes qu’une fois éliminé le POUM, ce serait ensuite leur tour. Or, malgré l’harmonie générale de leurs programmes révolutionnaires, la CNT-FAI et le POUM n’avaient pas trouvé de terrain d’entente. La CNT-FAI en voulait à Andrés Nin pour son marxisme et ses attaques contre la FAI, comme lorsqu’il écrivait : « La FAI n’est capable de provoquer que des mouvements de masse sans avenir ou bien des actions héroïques, isolées, mais, à la fin, stériles . » Outre cela, la CNT-FAI trouvait à redire à ce qu’elle considérait comme l’arrogance hostile et autoritaire du POUM. Malgré cette animosité qu’elle entretenait envers le POUM, la CNT-FAI et le POUM se trouvaient réunis dans l’opposition, au début contre les modérés, ensuite et très vite, contre les communistes du PSUC, fidèles à Moscou.
Pendant ce temps, la guerre fait rage. Au front, en septembre 1936, tout se passait toujours comme si chaque colonne agissait pour son propre compte, sans combiner son action avec les colonnes voisines et sans qu’aucun plan d’ensemble ne soit mis en place pour décider d’un ordre d’importance et de succession dans les buts à atteindre. Par conséquent, les Nationalistes soutenaient encore presque partout l’offensive ; les gouvernementaux résistaient avec acharnement mais ne cessaient de reculer. Clara Candiani, de La Dépêche, observait la même indiscipline, la même désorganisation, le même manque de cohésion. Le grand journal de Toulouse avouait que la situation pour la République était sérieuse, sinon grave. La République, pour se sauver, avait besoin de discipline intérieure et d’un commandement « ferme, libre et responsable ». « Ni Dieu, ni maître ! », répondaient toujours les anarchistes. Mais on avait commencé à voir que l’anarchie conduisait au désastre. On entendait maintenant : « Faire une guerre avec la passion, c’est la perdre . »
À la fin des deux mois qui suivirent l’insurrection nationaliste, La Dépêche était poussée à dire que, plus les anarchistes imposaient leur volonté, plus le progrès des insurgés s’étendait . Le paradoxe était, que les anarchistes voulaient bien de l’organisation mais pas de la discipline . Une affiche de la CNT-FAI, intitulée « L’organisation de l’indiscipline », portait la conclusion suivante :
De même que nous avons dirigé jusqu’ici l’indiscipline du courage et des sentiments, quand ces heures de combat décisif auront passé, nous pourrons diriger l’indiscipline de l’intelligence constructive. Pour aujourd’hui, nous gardons notre devise : « Pas de discipline qui limite le courage, l’intelligence et les sentiments ! » .
Le Frente Libertario continuait à crier : « Abattons l’armée ! Combattants, oui. Soldats, jamais ! » Buenaventura Durruti, le plus célèbre des anarchistes , dans une interview donnée à L’Espagne Antifasciste (Paris), déclara : « Chez nous, pas de grades, pas de saluts . » Au moment où il partit pour le front, il dit :
Tout tourne sur Madrid, et je ne cache pas combien je me réjouis de me trouver face à l’ennemi. Avant de prendre congé de Barcelone, je demande que ceux qui s’engagent dans la lutte soient consciencieux. La conscience veut dire l’obéissance à la discipline.
Il explique sa notion de la discipline :
Pour moi, il n’est autre que honorer la responsabilité propre et celle des autres. Je suis contre la discipline de la caserne, mais je suis également contre le faux concept de la liberté à laquelle les lâches se prennent toujours afin de la prendre par la venelle. Dans la guerre, ceux auxquels on donne l’autorité doivent être obéis, si non c’est impossible de monter une opération. Dans ma colonne, toutes les ruses de la « Grande Guerre » ont été essayées : la mère sur son lit de mort, la compagne qui entre en travail d’enfant, le bébé malade, la vue défaillie, et le reste. J’ai pourtant une équipe médicale qui contrôle chaque cas. Celui qui s’expose au mensonge connaît les devoirs supplémentaires qui l’attendent. Les lettres qui démoralisent finissent dans la corbeille. Celui qui veut rentrer chez lui en disant qu’il en a le droit car il s’est inscrit en volontaire, à celui-ci je lui dis son fait et je l’envoie sur les roses. Mais c’est bien rare qu’on arrive à ce point-là. Franchement, je suis bien satisfait avec les camarades qui me suivent.
À la suite de la militarisation des Milices, le 24 octobre 1936, Durruti ajouta : « Nous sommes très conciliants, mais nous savons que l’une de ces mentalités doit disparaître devant l’autre . » José Peirats a écrit : « Il était le premier anarchiste a bien comprendre que nous devions faire la guerre dans la même façon que les fascistes . »
Dans un entretien à Barcelone en novembre avec Jacinto Toryho, un autre anarchiste, l’envoyé de La Dépêche le considéra comme un homme d’action par excellence. À la question la plus importante à laquelle se heurte l’anarchiste : « ¿Quién manda? » (« qui commande ? »), Toryho proposait : « Todos mandamos . » Pour ses supérieurs, toutefois, il était clair maintenant que tous ne pouvaient pas commander. Angel Pestaña faisait appel à « une discipline de fer ». Lluys Companys i Jover, président de la Generalitat de Catalogne, faisait un autre appel « pathétique », écrivait Aubin Rieu-Vernet, pour des actes plutôt que des paroles ; et aux leaders de la CNT-FAI, une seule exhortation : « Obéissez ! » . Les dix commandements du décalogue de la colonne Uribarri se résumaient dans un seul : discipline ; et pour appartenir à la colonne il fallait les savoir de mémoire . Le 23 décembre, Federica Montseny, au nom de la FAI, s’adressa aux jeunesses libertaires d’Alicante :
Nous qui ne voulions jamais entendre parler de discipline, nous avons dû la demander, car il vaut mieux la demander plutôt qu’on ne nous l’impose. Et nous, ennemis de l’armée, nous avons dû demander la création de l’armée volontaire pour mettre fin aux assemblées des volontaires du front .
Joan Peiró, à Valence, répéta cette idée : « Il faut que vous vous rendiez compte, vous, les plus prompts à l’indiscipline, que la réalité du moment exige une grande discipline sur le front et à l’arrière . »
Outre la nécessité d’une discipline, il y avait la nécessité de réfréner la violence. Déjà à la fin de juillet, certains chefs anarchistes s’étaient opposés aux éléments extrémistes. Le Boletín de Información CNT-FAI du 25 juillet s’exclama « Écrasons les voyous ! Si nous ne le faisons pas, ce sont les bandits qui écraseront la révolution en la déshonorant. » Desiderio Trilles, secrétaire des dockers UGT (socialiste), avait été tué avec trois de ses camarades, peu après le 19 juillet, dans une attaque à la mitraillette perpétrée par des inconnus . La FAI, sentant que l’on soupçonnait, à tort ou à raison, quelques-uns de ses adhérents d’avoir exercé une vengeance personnelle, fit une proclamation par voie d’affiche : elle condamnait ces opérations criminelles, demandait à tous de dénoncer les coupables d’actes de terrorisme individuel et fit le serment de fusiller séance tenante tous ceux qui seraient pris sur le fait, sans autre forme de procès . Le comité national de la CNT et le comité péninsulaire de la FAI répétèrent qu’ils ne permettaient ni l’assassinat ni le pillage . Ils reconnaissaient le fait que des prêtres aient été tués mais s’y opposaient. Ils demandaient le respect à l’égard de tous les édifices, sauf ceux reconnus inutiles . Ainsi, les obsèques de Desiderio Trilles, solennellement célébrées, étaient remarquables à cause de la participation des chefs de la FAI. Selon Jean Vidal, dans La Dépêche, cette manifestation de sympathie voulait montrer combien la FAI réprouvait le système des attentats individuels qui, pendant quelques jours, avait paru se généraliser un peu partout dans la région . Néanmoins, le mois suivant connut d’autres atrocités commises par les anarchistes, aidés par les communistes, à Puigcerdá. Paul Grenier, affecté à Bourg-Madame, confirmait ces atrocités dans La Dépêche . Tous les journaux de droite en faisaient autant, bien entendu. L’un d’eux, L’Indépendant (quotidien perpignanais) avouait d’ailleurs qu’il recueillait ses renseignements le long de la frontière. « Nous, lui répondit Le Midi Socialiste, avec orgueil, préférons les recueillir sur place – Puigcerdá. » Et Le Midi de signaler que la composition du Comité antifasciste, selon L’Indépendant, était fausse pour les trois-quarts des noms. Tout en avouant que 21 fascistes avaient été exécutés, Le Midi insistait sur le fait que Puigcerdá ne vivait pas dans la terreur . André Legru, également de La Dépêche, envoyé à Puigcerdá au commencement d’octobre, y trouvait la « collectivisation paisible . » Selon Paul Grenier, du même quotidien, l’autorité républicaine catalane était simplement trop éloignée pour mettre fin à la malfaisance d’une poignée de fous meurtriers dont les excès risquaient de compromettre « la plus noble des causes ». Louis Roubaud racontait, dans Le Petit Parisien (plutôt conservateur, et premier en tirage parmi les journaux parisiens), la visite qu’il fit dans cette région en décembre 1936. Puigcerdá lui apparut comme étant un microcosme de la Catalogne : tout était bien loin de l’Union Soviétique et de ses méthodes barbares, et Staline était partout l’ennemi autant que Franco. Il ne nia pas les cruautés commises, mais il observa aussi un véritable égalitarisme, comme le montrait le salaire familial, accordé suivant le nombre de personnes dans chaque famille .
Il s’agissait, paraît-il, de plus d’une « poignée de fous meurtriers ». En octobre Solidaridad Obrera exposait plus radicalement la situation :
Assez de terreur, assez de crimes stupides qui pourraient retomber sur nous. Assez d’embuscades dans l’ombre et à la nuit : inutile de se donner des airs de lynx par des arrestations arbitraires, et de faire les fanfarons en se rendant coupable de faits délictueux. L’œuvre révolutionnaire exige plus d’habileté et plus de scrupule .
Angel Pestaña, dans El Sindicalista, précisait une des habitudes à changer : « La vie doit être respectée, et s’ils sont coupables ce sont les tribunaux qui doivent les juger . » L’échec évident de la FAI à entraver l’action des éléments extrémistes avait pour conséquence des accusations contre la FAI elle-même. En novembre, le comité de coordination des groupes anarchistes adressa à la FAI une protestation contre ces actes de terrorisme : « Il faut faire attention à ces éléments qui ont choisi le nom de la FAI comme abri. Nous sommes disposés à en finir avec eux et nous y réussirons coûte que coûte . » La FAI lui répondit en répétant qu’elle s’opposerait, « à partir de maintenant, aux exécutions sommaires, aux perquisitions douteuses, et à d’autres abus ».
Ainsi préoccupée par des divisions intérieures, la CNT-FAI contemplait son programme révolutionnaire. Malgré l’instruction officielle donnée le 26 juillet par la CNT de Catalogne, de « ne pas avoir de priorité plus grande que la victoire sur le fascisme », certains y firent la sourde oreille. Le programme révolutionnaire, aux dires du major Francisco Maroto, secrétaire du comité du Frente Antifascista, avait pour but « un fédéralisme indépendant de toute politique, des syndicats, des communes libres. Nous sommes guidés par l’idéal des grands théoriciens de l’anarchie »… « La collectivisation, expliquait Joan Fábregas Llauro, conseiller de l’Économie dans la Generalitat, n’est qu’un moyen et non un but. C’est le point de départ . » Avec la collectivisation comme point de départ, l’anarchisme promettait de réussir, ne fût-ce l’opposition des communistes. C’était pourtant dans l’instruction publique que les anarchistes obtinrent leur plus grand succès. Georges Naychent décrivait dans La Dépêche une visite qu’il fit au mois d’août à l’école moderne de la Torraza, dans la banlieue de Barcelone. Cette école était dirigée par Antonio Ocaña et son fils Juan . On n’y voyait que les œuvres d’auteurs scientifiques, de grands bienfaiteurs de l’humanité, et de libertaires espagnols et étrangers. Pas de livres de théologie et pas davantage d’histoire où la gloire militaire était mise en relief. L’élève était libre d’étudier ou non ; mais pas de jouets militaires. « Nous réprouvons la violence, expliquait notamment Ocaña, en ajoutant, avec ce zèle religieux qui distingue le bon anarchiste , mais celle-ci se justifie cependant lorsqu’ elle est au service du bien. » Quant à la nouvelle société, Ocaña précisait : « Il n’y a pas d’assassins, il n’y a que des malades. Les malades on les soigne. Il ne pourrait exister de voleurs, puisque chaque individu serait heureux. » Georges Naychent s’en alla avec l’idée que ces anarchistes devaient être « plus respectés qu’écartés ».
« Pour le moment, déclara Toryho au début de novembre, nous abandonnons toute raideur doctrinale . » La doctrine anarchiste la plus raide de toutes interdisait toute participation au gouvernement. Dans une interview avec Armand Salvan à Barcelone, Isidro Sancho, dont le bureau était « le plus facile de pénétrer », lui rappela qu’il était absolument inexact de dire que les anarchistes avaient reçu en février l’ordre de voter : « Nous nous sommes bornés à ne pas faire de propagande contre les élections . » Une telle étape était pourtant révolutionnaire pour l’anarchisme ; ce dernier pouvait ensuite faire face à la prochaine étape : la participation.
Le premier pas était l’entrée dans la Generalitat, le 26 septembre. La CNT donna le premier coup de pioche, en expliquant aux masses ce brusque revirement de doctrine : « La révolution serait tronquée à l’instant même où l’on exclurait de sa direction quelques-unes des forces qui la créèrent . » Dans le cas de la Catalogne, les anarchistes exigèrent, et obtinrent satisfaction, que cette direction s’intitule « conseil de défense » au lieu de « gouvernement ». Dans le cas de la direction nationale, Solidaridad Obrera sommait les socialistes et l’UGT de Largo Caballero de ne pas retarder la constitution d’un « conseil national de défense » auquel le gouvernement opposait toujours la raison de politique internationale : le conseil de défense ne serait plus un gouvernement légal, régulièrement élu. Même la FAI donna son appui à la collaboration, dans une circulaire publiée en octobre par le comité péninsulaire. Cette circulaire avait pour but de justifier la participation des anarchistes, sous prétexte que la situation politique l’exigeait. Néanmoins, la FAI préférait toujours utiliser, au lieu de gouvernement, cet euphémisme : « organisme d’ordre officiel ». Mais en fin de compte, le nom importait peu. En décidant de faire partie d’un gouvernement – qu’on l’appelait « comité » ou « conseil » au lieu de « ministère » – l’anarchisme jetait le lest idéologique, rigide et absolu. Pour la première fois, il acceptait de sortir de sa doctrine « apolitique ».
Dire « Faire partie du gouvernement », c’est exagérer un peu le rôle des anarchistes. Un conseil d’Aragon antifasciste fut créé fin octobre, sous la présidence de Joaquín Ascaso y Budría, pour se libérer de la tutelle de Barcelone . À la veille de leur entrée, Solidaridad Obrera accusait le gouvernement de diriger la guerre selon son bon plaisir, tandis que les ouvriers n’avaient d’autre mission que de se laisser tuer. Le journal alla jusqu’à citer Andrés Nin : « C’est un gouvernement ni de la victoire ni de la révolution. » En Catalogne, poursuivait l’organe de la FAI, la CNT-FAI pourrait, en peu de jours, organiser une colonne supérieure à 30 000 hommes, qui ferait lever le siège de Madrid. « Pourquoi ne le fait-elle pas ? Parce qu’en Catalogne, il n’y a pas assez d’armes pour ces 30 000 et parce que la structure actuelle du gouvernement espagnol n’offre pas les garanties nécessaires de responsabilités. La guerre se prolonge parce que le gouvernement de Madrid ne sait pas diriger la guerre . »
Pour mieux diriger la guerre, Largo Caballero invita, au début de novembre 1936, tant les anarchistes que les communistes à participer au gouvernement central. Après avoir bien réfléchi aux conséquences de partager le pouvoir avec la petite bourgeoisie, les communistes acceptèrent, tandis que les anarchistes refusèrent au début. Cependant, il se manifestait de plus en plus aux anarchistes que leur pouvoir prépondérant, du moins en Catalogne, permettait et exigeait qu’ils prissent plus de responsabilité et contrôle dans l’administration de la guerre. L’argument des collaborationnistes était triple. En premier lieu, le gouvernement central serait le lieu de ralliement pour tous les secteurs antifascistes ; il pourrait organiser une armée populaire sous un commandement unique ; puisqu’il contrôlait les finances il pourrait alors acheter les armes et les matières brutes. En deuxième lieu, les représentants de la CNT-FAI au gouvernement pourraient « légaliser » les avances révolutionnaires et influencer les autres ministres et délégués selon des principes révolutionnaires. En troisième lieu, la collaboration serait le seul moyen de protéger les intérêts des classes ouvrières et de contrecarrer les tentatives ayant pour but de saper la Révolution .
À ce moment-là, au début de novembre 1936, excepté les organes communistes, tous les journaux madrilènes appuyaient l’entrée de la CNT-FAI dans le gouvernement de Madrid. Parmi eux, Juventud, organe des jeunesses du POUM, affirmait que rien de fondamental ne séparait ceux qui luttaient contre le fascisme et il terminait : « Ne perdons donc pas un instant. Unissons-nous sur les bases de l’accord, et courons à la victoire. » Au nom des anarchistes, Angel Pestaña prêchait toujours en faveur de la collaboration, sur la nécessité de faire entrer la CNT au gouvernement de Madrid .
Ainsi, malgré l’opposition (cachée) des communistes, quatre membres de la CNT-FAI entrèrent, le 4 novembre 1936, dans le second cabinet de Largo Caballero . Le moment fut unique dans l’histoire de l’anarchisme. Federica Montseny accepta la nomination malgré l’avertissement de son père, Federico Urales, anarchiste de marque : « Une fois au pouvoir, tu ne te débarrasseras pas du pouvoir. » (En réalité, les choses en iraient autrement.) Montseny écrivit plus tard à Bolloten : « C’était Horacio Prieto, secrétaire du Conseil national, qui nous a nommés tous les quatre. Peiró et López représentaient l’aile droite, et García Oliver et moi, l’aile gauche. Prieto voulait que je contrôle l’opposition des puritains . » Montseny devint ainsi la première femme de l’Europe occidentale de se faire nommer ministre.
Quant à García Oliver, dans un discours qu’il prononça le 4 décembre 1936 à Valence, ses accents étaient ceux de l’activiste et non pas du moraliste : « Avec discipline, avec une organisation militaire efficace, sans le moindre doute nous allons vaincre. Discipline chez le combattant, discipline chez le travailleur, discipline partout, voilà la clef de la victoire. Pour gagner, les travailleurs doivent utiliser les méthodes employées par l’ennemi. Surtout, la discipline et l’unité . »
En ce qui concerne Peiró, également nommé ministre, il déclara : « Nous devons faire la guerre, et en la faisant, nous borner à préparer pour la Révolution à force de prendre, de façon consciencieuse et discrète, le contrôle des usines . » En janvier 1937, il écrivait dans Solidaridad Obrera : « J’ai constaté, à maintes reprises, que la révolution doit céder la priorité à la guerre. Ce disant, ce n’était jamais mon intention de renoncer à la révolution . »
Avant la mi-novembre 1936, les comités revinrent, paraît-il, sur leur décision. Dans le plenum de l’AIT réuni à Paris le 15-16 novembre, Camillo Berneri proposa une résolution pour faire face au vieux danger : la Révolution courait le risque de tomber sous le contrôle politique du gouvernement de Madrid, de la Generalitat, des partis marxistes, et de Moscou . Lors de l’inauguration des Cortes à Valence le 6 décembre, les quatre nouveaux ministres anarchistes étaient absents pour des raisons de tactique politique. Tandis que Federica Montseny affirmait, dans une déclaration exclusive à La Dépêche, que le succès était assuré , l’influence anarchiste se dissipait par d’autres divisions, cette fois dans la direction elle-même. Même après leur entrée dans le pouvoir national, Pestaña préconisait toujours que les syndicats ne devaient jouer aucun rôle politique et qu’ils devaient laisser les partis gouverner ; ce à quoi la CNT répondait que les syndicats devaient prendre conscience de leurs responsabilités . De plus, les anarchistes s’opposaient à la direction de la guerre tant après qu’avant leur participation au pouvoir. Mais les autres antifranquistes, pour leur part, pouvaient bien s’émerveiller devant la façon des nouveaux-venus de faire la guerre. Pendant une époque où le gouvernement s’efforçait d’attirer le plus grand nombre possible de volontaires étrangers, seul recours qui leur restait en matière de secours étranger, la FAI s’engageait à limiter l’accès de ceux-ci en Espagne, craignant que cet apport ne vînt renforcer les éléments contraires à son idée, et que ces combattants n’y sèment le défaitisme . La FAI se montrait également réfractaire à la mobilisation générale , pour la même raison : elle redoutait de perdre sa puissance.
Ce fut dans la capitale que se manifesta d’abord ce déclin. La mort de Durruti eut un impact énorme. Après avoir mené les forces anarchistes contre Saragosse, il mit le cap sur Madrid, y parvenant le 11 novembre 1936. C’était là, le 20 novembre, dans la bataille de la Casa de Campo, qu’il perdit la vie, dans des circonstances qui restent mystérieuses, même aujourd’hui. Nul autre événement dans la Guerre civile ne réveilla les sentiments du peuple comme la mort de Durruti, et Peirats témoigne de l’effusion d’affection lors des funérailles . La mort de Durruti fut suivie, un petit mois après, par la saisie, le 26 décembre, de l’organe anarchiste CNT. La disparition de l’un comme de l’autre était un coup rude et fatidique pour la cause anarchiste. Durruti était déjà légendaire. Même Le Journal de Toulouse, fermement à droite, reconnaissait le fait qu’à Paris, autant qu’à Barcelone, on lui rendait de grands honneurs à ses funérailles .
Buenaventura Durruti reste un homme difficile à évaluer. Selon Gaston Leval, qui le connaissait vraiment, c’était « un type très bien, comme individu ». Pour Alexandre Gilabert Gilabert, c’était « un anarchiste intègre ». D’après Manuel Chaves Nogales, alors rédacteur de Ahora, Durruti représentait le genre d’anarchiste qui voulait se convertir en caudillo . Selon le manuel donné à tout milicien dans la colonne Durruti, sa consigne était : « Qu’il n’y ait d’autre Code que la Raison . » Certes, on lisait parfois autre chose dans El Frente, le bulletin de guerre de la même colonne. Serafín Casoraro écrivait :
Alors qu’ils érigent cette pègre inculte en vérité, nous ne pouvons nous en plaindre, tant que notre slogan est détruire. Mais comprenez bien : détruire toute cette inutilité qui à une odeur de pourriture, toutes ces cavernes de dépravation. Nous devons détruire tout foyer, tout antre où se cache ce serpent travesti de peau de mouton. Détruire ? Et pourquoi pas ?
Durruti, pour sa part, préconisait une attitude constructive, telle que dans la fameuse interview donnée à la fin d’octobre 1936 à Pierre Van Paasen de la Toronto Star . On voit ici que son dicton : « Nous renonçons à tout sauf à la victoire », était mis à mal par tous ceux pour qui la guerre primait la Révolution :
Pour nous, c’est une question d’écraser le fascisme une fois pour toutes. Oui, et en dépit de tout gouvernement. Aucun gouvernement au monde ne se bat jusqu’à la mort contre le fascisme. Quand la bourgeoisie voit le pouvoir s’éloigner d’elle, elle a recours au fascisme pour se maintenir… On ne sait jamais, vous savez – il rit – le gouvernement actuel pourrait bien avoir besoin un jour de ces forces insurgées pour écraser le mouvement ouvrier.
Nous savons ce que nous voulons. Le fait qu’il y a quelque part au monde une Union Soviétique ne signifie rien pour nous. Pour la cause de sa paix et de sa tranquillité, Staline a sacrifié les ouvriers de l’Allemagne et de la Chine. Nous voulons la Révolution ici en Espagne, en ce moment même, non pas après la prochaine guerre européenne, peut-être. Nous donnons aujourd’hui à Hitler et Mussolini beaucoup plus de soucis, avec notre révolution, que n’en donne toute l’Armée Rouge de Russie. Notre manière de traiter le fascisme donne l’exemple aux classes ouvrières d’Allemagne et d’Italie.
Moi, je n’attends aucun secours d’une révolution libertaire d’aucun gouvernement au monde,… pas même du nôtre, en dernière analyse.
Son interlocuteur lui dit : « Mais, si vous êtes vainqueurs, vous vous retrouverez sur un monceau de ruines. »
Nous avons toujours vécu dans des taudis et des trous ; nous en saurons bien nous en arranger pendant quelque temps. Mais n’oubliez pas que savons aussi construire… Nous n’avons nullement peur des ruines. Nous allons recevoir le monde en héritage. La bourgeoisie peut bien faire sauter et démolir son monde à elle avant de quitter la scène de l’histoire. Nous portons un monde nouveau dans nos cœurs .
Au fur et à mesure que tombait l’étoile des anarchistes, celle des communistes s’élevait. Dans les trois semaines qui suivirent le début de la guerre, même Le Midi Socialiste avouait que les organisations marxistes apparaissaient de plus en plus comme le seul élément d’ordre constructif . Le secret de leur succès futur était qu’ils comprenaient la nécessité d’un compromis avec les autres partis de gauche : en voulant faire primer la révolution sur la guerre, les anarchistes étaient en partie responsables de la collision inévitable qui devait éclater en mai 1937, entre les deux idéologies. Plus précisément, les communistes, cyniques, n’hésitaient pas à se coudoyer avec les petits bourgeois ; ainsi, le parti communiste espagnol se dépêcha d’annoncer qu’il n’avait qu’un seul but : « la défense de l’ordre républicain dans le respect de la propriété ». Impossible, évidemment, pour les anarchistes de suivre le mouvement. Dans L’Express du Midi, donc, le marquis de Palaminy et René Lanvollon avaient tout à fait raison à cet égard, même si leurs prédictions étaient poussées par leurs désirs : « Demain la lutte sera plus féroce encore entre les ; aujourd’hui amis, demain adversaires acharnés ; logiquement, devraient se traiter en ennemis. s’affronteront peut-être demain . » La Dépêche, pour sa part, préférait minimiser cette hostilité. Aubin Rieu-Vernet annonça la déclaration de David Antona, secrétaire de la CNT à Madrid, en faveur de bons rapports avec les communistes ; et La Dépêche célébra en novembre la première fois que la CNT-FAI avait manifesté dans la rue aux côtés des communistes et de l’Esquerra. Mais même La Dépêche fit remarquer que, malgré la cession cordiale de Bakounine en faveur de Marx à Barcelone, Marx ne voulait rien céder en faveur de Bakounine à Madrid. « Il y a, reconnaissait La Dépêche à la fin de l’année, une menace de grave dissension entre les communistes et la CNT . »
Il s’agissait déjà beaucoup plus que d’une menace. La Pravda du 17 décembre 1936 annonça en effet une déclaration de guerre : « Quant à la Catalogne, l’épuration des éléments trotskystes et anarchistes est commencée : cette œuvre sera conduite avec la même énergie que celle avec laquelle elle a été conduite en URSS. » Bien au courant des massacres de Kronstadt et Petrograd, les anarchistes espagnols resserrèrent leurs rangs : à la fin de l’année se produisit la fusion de la CNT, la FAI et la FIJL dans le Movimiento Libertario Español. Mais ils continuèrent à montrer, à l’égard des communistes, trop de bonne volonté. Avec le recul, Gaston Leval pense que la CNT-FAI aurait dû profiter de l’occasion et de l’enthousiasme de novembre pour proclamer l’abolition du gouvernement catalan et s’installer dans son palais pour symboliser cette abolition .
Au printemps 1937, l’hostilité entre les anarchistes et les communistes, longtemps en ébullition, éclata dans les « jours de mai ». C’était la guerre civile au sein de la Guerre civile . C’était l’apogée de l’âge d’Or de l’anarchisme. C’est le moment du mythe, des billets de banque extradés de la Banque d’Espagne et brûlés dans un bûcher au centre de la place de Catalogne, du message envoyé à John D. Rockefeller, chef du Standard Oil : « Viens ici à Barcelone, Señor Rockefeller. Avec tout ton argent, tu ne pourras même pas t’acheter une tasse de café ! » C’est aussi l’assassinat de Camillo Berneri, parmi tant d’autres crimes. Et c’est la chute du gouvernement de Largo Caballero, avec le triomphe, provisoire, des staliniens. Ce mois de mai 1937, la CNT et l’UGT furent expulsées du gouvernement central, installé à Valence depuis son évacuation de la capitale . Le mois suivant, la CNT fut expulsée de la Generalitat.
Les Jours de mai 1937 restent inoubliables pour l’inspiration qu’ils ont engendrée, ainsi qu’une source de gêne sinon de honte pour les responsables . Pour les anarchistes espagnols, c’était leur Kronstadt. Pour les staliniens, ce n’était qu’un crime ordinaire. Pour beaucoup, un crime inoubliable, pour lequel, longtemps après, les staliniens paieraient cher.
Le rideau tombe sur la grande époque des anarchistes espagnols. Le 18 juin 1937 à Paris, au Vélodrome d’hiver, les deux ex-ministres Juan García Oliver et Federica Montseny sont à la tribune. Ils font face à tous ceux qui, dans les milieux anarchistes internationaux, les critiquaient pour avoir suivi une politique collaborationniste. García Oliver, dans son tour, critiquaient toux ceux qui avaient refusé aux combattants anarchistes les munitions qui leur faisaient si cruellement défaut. En effet, à ces combattants il avait dit, « quand les munitions seront épuisées, il faudra jeter des pierres, car nous sommes en lutte contre le fascisme, et il faut se battre jusqu’à la mort ».
La parole passe à Federica Montseny, reconnue partout comme primordiale parmi les philosophes anarchistes espagnols, et après la mort de Durruti l’anarchiste en chef tout court. Oratrice brillante, ce jour-là prophète même de tout ce qui attendait l’Europe et l’univers, elle se lança dans une diatribe contre tous ceux qui avaient failli dans leur devoir et qui continuaient à le faire.
Camarades ! Amis ! Je me suis trompée, en venant à Paris. Je m’attendais à voir à ce ralliement toute la conscience de la France, l’esprit entier des masses françaises, ainsi que la sympathie méritée et exigée par la tragédie espagnole.
Le prolétariat international, les démocraties européennes ont refusé de comprendre un fait simple et élémentaire : qu’en Espagne le sort du monde est en jeu. Contre le fascisme, les démocraties ont échoué comme entités d’état, et le prolétariat a échoué comme force révolutionnaire. Les Internationales – la Deuxième, la Troisième – et même la nôtre – ont échoué, incapables d’organiser une protestation à travers le monde qui puisse forcer les gouvernements à s’élever contre la mainmise de l’Espagne par l’Italie et l’Allemagne.
La démocratie, elle, a démontré, devant les tactiques de brute des fascistes, l’exemple le plus honteux de la lâcheté, en permettant cette farce de la non-intervention gérée par les États belligérants qui eux-mêmes sont menacés par la révolution qui avait éclaté en Espagne…
Erreurs ? Bien sûr, nous avons commis des erreurs. Qui n’en a pas commis ? Seuls ceux qui ne font rien sont exempts d’erreurs… Ah, Camarades ! Frères français ! Quelle différence entre la vie que vous menez, insouciante et tranquille, pleine de plaisir, la vie joyeuse… et celle que nous menons en Espagne. Nous avons appris à la priser hautement, en regardant comment meurent les hommes.
Que je conclue. Eh bien ! Il faut maintenant que vous vous adaptiez à une seule pensée, à l’apprendre par cœur, afin que vous sachiez combien vous êtes en danger : les mêmes bombes, lancées par les mêmes mains qui aujourd’hui massacrent nos enfants, nos femmes, nos vieillards, vont tomber en averses sur vos vieillards, vos enfants et vos femmes. C’est ça le fascisme ! Il nous menace tous ! Il signifie la fin de toutes les valeurs de notre civilisation. Si le fascisme est victorieux en Espagne, c’est la guerre inéluctable qui s’ensuit – la guerre que vous cherchez à esquiver, par force de tant de lâcheté. Si le fascisme est vaincu en Espagne, le fascisme s’écroule en Italie et en Allemagne, et le monde pourra respirer en paix, soulagé d’être épargné pour longtemps du spectre sinistre de la guerre et de l’esclavage. Voilà tout .